Ce samedi 7 juin, les frontières entre fiction et réalité se brouillent. Paris s’éclaire comme un décor, murmure comme une bande son et vibre au rythme de la 24e édition de la Nuit Blanche. Une édition placée sous le signe du cinéma à l’initiative de la réalisatrice Valérie Donzelli, directrice artistique de l'événement cette année. Depuis sa création en 2002, la Nuit Blanche célèbre l’art contemporain sous toutes ses formes. Mais en 2025, l’événement pousse le concept un cran plus loin. Transformer Paris en un immense plateau de tournage où les films s’échappent des salles obscures pour coloniser rues, places et musées. Une invitation à l'escapade nocturne.
Un peu partout dans Paris, des chefs-d’œuvres du 7e art seront projetées à même les murs de la ville. L’idée est de « transformer l’espace public en une toile de projection éphémère » a fait savoir la Ville de Paris dans un communiqué. Vous retrouverez (entre-autres) Agnès Varda à la mairie du XIVe, Delphine Seyrig dans les jardins Saint-Paul, Jacqueline Audry sur la place Nathalie-Sarraute et Chantal Akerman au Mémorial de la Shoah. Pour les amoureux d'expérimentations, rendez vous sur le parvis de la Gare Montparnasse où Michel Gondry a imaginé Quelle Nuit Blanche !, un court-métrage animé en papiers découpés. Le projet s’inscrit dans le cadre de la carte blanche de Valérie Donzelli, césarisée pour L'Amour et les forêts.
Pour la première fois, la Nuit Blanche s’autorise un détour souterrain. Direction les Catacombes, où Xavier Donzelli a imaginé un parcours sonore de 900 mètres. Poèmes murmurés, cantates de Bach et voix spectrales résonnent entre les ossements. Une expérience sensorielle à mi-chemin entre performance et rituel d’outre-tombe, à vivre comme une méditation guidée par Nerval et Éluard. Claustrophobes s’abstenir mais âmes sensibles bienvenues. Pour rester dans le domaine de l’étrange beauté, cap sur la chapelle de la Sorbonne pour une installation lumineuse. De son côté, le musée Cognac-Jay présente les sculptures iridescentes de Clara Tournay dans une chorégraphie de lumière et de verre.
Qu’on se le dise, l’époque où l’on chuchotait dans les musées est révolue. Au musée du quai Branly, on grimpe sur le toit-terrasse pour écouter Junior Mvunzi et DJ Cheetah, le tout face à la tour Eiffel. Tandis qu’à la Fondation Louis Vuitton, l’Auditorium se transforme en vidéoclub expérimental avec des projections d’art vidéo engagées autour du thème de la résistance. Le Petit Palais, lui, rend hommage au cinéma en musique avec un ciné-concert sur Alice Guy, des courts-métrages de la Fémis et un final signé Para One. Mention spéciale pour le Musée Picasso qui souffle ses 40 bougies avec une nuit électro dans ses jardins, un interlude musical au son des platines d’Andy 4000, Banga et Myra.
Si vous préférez la contemplation au groove, direction la Bourse de Commerce. L’artiste Céleste Boursier-Mougenot propose une installation aquatique onirique. Des bols de porcelaine flottent sur un bassin circulaire dans la Rotonde, tintinnabulant doucement au gré d’un courant invisible. Une forme de méditation moderne – ou un haïku sonore géant. Profitez-en également pour visiter l’exposition Corps et âmes, consacrée à la représentation du corps dans l’art contemporain. La Nuit Blanche ne s’arrête pas à Paris intra-muros. À Bobigny, le Wonder, atelier d’artistes transforme son toit de 600 m² en drive-in surréaliste. Le collectif Poncili Creación y mêle marionnettes monumentales, cuisine sensorielle, performances déjantées et cinéma expérimental. Ce samedi, la Nuit Blanche nous invite à habiter la ville autrement.