« A HOLLYWOOD, LES FRANçAIS SONT CANTONNéS AUX RôLES DE MéCHANT OU DE COCU », ASSURE BENOîT MAGIMEL

Quelques jours après avoir été victime d’un cambriolage, Benoît Magimel est sur les Planches pour présider le jury de la 50e édition du Festival de Deauville

Deauville US - Quelques jours après avoir été victime d’un cambriolage, Benoît Magimel est sur les Planches pour présider le jury de la 50e édition du Festival de Deauville

C’est très détendu que Benoît Magimel a reçu la presse ce samedi au Festival du Cinéma américain de Deauville. Président du jury de cette 50e édition, il a balayé avec élégance la mention du cambriolage qu’il a subi le 3 septembre dernier dans lequel on lui a volé, entre autres ses deux César.

En attendant de le voir dans Ni chaînes ni maîtres de Simon Moutaïrou, en salle le 18 septembre et qui sera présenté ce dimanche à Deauville, le comédien a partagé sa passion pour le cinéma américain qu’il nourrit depuis l’enfance.

Comment avez-vous découvert le cinéma américain ?

Je suis de la génération des cassettes VHS. Notre mère nous avait abonnés à une vidéo club et c’est ainsi que j’ai découvert beaucoup de westerns. J’en ai aussi beaucoup vu grâce à l’émission d’Eddy Mitchell. Je rêve de faire un western sur les bergers français qui ont immigré aux Etats-Unis. J’ai lu des articles là-dessus ça m’a donné envie de creuser le sujet. Je me demande ce qu’ils sont devenus. Ça, ça m’intéresse.

Quelle est la spécificité du cinéma américain ?

Les Américains ont un talent unique pour poser un regard sur leur société. Ils ont un regard extrêmement critique sur le monde dans lequel on vit. Et ils n’attendent pas cinquante ans : ils le font très vite. Vous voyez, la guerre du Vietnam était à peine finie qu’ils faisaient déjà des films sur ce sujet. C’est ça que je trouve qu’on peut envier à leur cinéma : cette réactivité est admirable.

Et ce n’est pas le cas en France ?

Quand on fait un film sur la guerre d’Algérie, il y a une fierté de l’avoir fait parce qu’on parle d’un sujet qui n’a pas été beaucoup traité. Et c’est regrettable qu’on ne puisse pas se soigner aussi à travers les films. On parle d’une Amérique malade, mais il y a aussi une France malade à travers son histoire. Ni chaînes, ni maîtres, qu’on présente à Deauville, est quand même le seul film qu’on ait fait sur l’esclavagisme de cette époque et il fallut attendre 2024 pour qu’il voie le jour. C’est quand même un peu lent comme façon de soigner son histoire.

Pourquoi est-ce différent aux Etats-Unis ?

C’est une nation extrêmement jeune et de ce fait, il y a une vitalité, une force peut-être qui domine leur industrie et à travers cela, ce désir de réparer quelque chose, en tout cas d’essayer de guérir. Ce sont des films qui font du bien. Je m’en suis rendu compte quand j’ai tourné dans L’Ennemi intime de Florent-Emilio Siri sur la guerre d’Algérie. De nombreux spectateurs venaient me remercier parce que le film les aidait à mieux comprendre des gens qui étaient liés à l’Algérie, de près ou de loin mais dont la parole n’a jamais été transmise. On porte ce silence de génération en génération et c’est un héritage extrêmement douloureux.

Vous n’auriez pas aimé faire carrière outre-Atlantique ?

Déjà, il faut parler parfaitement anglais. Si on veut faire une carrière là-bas, il faut devenir américain. Il y a un protectionnisme, évident. A Hollywood, les Français sont cantonnés aux rôles de méchant ou de cocu. Pour le reste, ils ont plein d’acteurs comme moi. Ils ont un tel vivier de talents que je ne vois pas ce que j’irais y faire. La plupart de ceux qui s’y sont frottés, acteurs ou cinéastes, sont revenus en France. Cela dit, si un grand cinéaste me le propose, j’y réfléchirai à deux fois.

Quel type de spectateur êtes-vous ?

Je suis très bon public. Je suis très sensible au cinéma. Ça m’absorbe beaucoup. C’est fantastique quand vous êtes ému et touché par une œuvre qui fait écho à quelque chose de personnel. Mais j’aime tous les types de films, ce qui correspond aussi à ce que j’ai toujours essayé de faire dans ma carrière, choisir des films extrêmement différents. Ce qui est fou, c’est que le public aussi vous enferme, parce qu’il va forcément vous préférer dans un registre ou un autre. C’est à vous de faire attention pour ne pas vous laisser piéger.

Vous êtes prêt à juger les films ?

Je n’aime pas le terme « juger ». Je ne me sens pas au-dessus des films, ni au-dessus des autres. Ça reste extrêmement subjectif. C’est une question de sensibilité. On n’en a vu que deux et je sens que déjà qu’on n’est pas tous d’accord. Et c’est passionnant. Pour ma part, j’attends d’être ému et cela peut être aussi bien par une comédie que par un drame. On peut parler de la société en faisant rire. Le cinéma détient toutes les vérités.

Vous n’êtes pas trop triste que des cambrioleurs vous aient volé vos César ?

On s’en remet ! Il ne me reste plus qu’à en récupérer d’autres.

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